Par respect et pudeur, je resterai sobre et n’entrerai pas dans les détails de ce chapitre de vie. C’est avant tout une histoire qui s’est vécue au Nous plutôt qu’au Je.
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Durant les 9 dernières années, au printemps, on a célébré la Fête du croissant. On a jamais su quelle était notre date de rencontre, mais c’était doux et amusant d’avoir ce X sur notre calendrier commun pour faire la tournée des boulangeries du quartier. C’était notre rituel, c’était nous.
Cette année, les organisateurs de l’événement ont annoncé que la célébration culinaire n’aurait pas lieu pour la première fois, que c’était remis à l’année prochaine.
Toute est dans toute, faut croire.
Des fois, la vie est conne.
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On était ce joli couple qui ne faisait pas de vague. Les gens parlaient de nous en un seul mot, alors que nos prénoms étaient constamment reliés d’un esperluette. Une liaison symbolique qui nous a tenus longtemps.
La vie va si vite, que lorsque nous avons le luxe de pouvoir déposer les choses et de réfléchir à la première personne du singulier, on réalise souvent qu’on n’arrive plus à conjuguer correctement nos temps de verbe. Comme si l’individu qu’on devenait ne se définissait que par l’autre, comme si les années nous avaient tapissé d’un décor qui ne nous ressemble pas.
Il y a eu un avant et un après nous. On s’est bâtis au travers cette relation et sommes devenus une solide équipe parentale, des colocs d’exception et des partenaires de travail efficaces. On a tenté de devenir ce que l’autre avait besoin, en perdant de vue de qu’on désirait profondément. On s’est perdus.
En tant que couple, mais surtout en tant qu’humain. On s’est ancrés si fort dans la vie de l’autre, qu’on en a perdu nos propres racines. Il a fallu creuser loin pour dénouer nos blessures. Et j’ai alors constaté que j’avais enfoui plusieurs maux.
Briser tout autour pour mieux réparer ce qu’il y a en-dedans. Rompre les piliers sur lesquels nous nous sommes appuyés depuis près d’un décennie. Et rebâtir le je.
Regarder derrière et faire le constat de tout ce que je suis devenue grâce à toi.
Mais aussi, à cause de.
J’avais besoin de m’aimer à nouveau, de me retrouver avec les restants de la femme que je n’arrivais plus à être et tenter de me reconstruire un coeur et une tête flambant neufs. C’est un chantier qui va faire du bruit encore longtemps. Je n’ai pas tout à fait les bons outils pour que ce soit solide. Mais les travaux sont en cours.
J’ai dû faire le tri de nos souvenirs comme on se débarrasse de nos vieux morceaux de linge. Même le plus laid est dur à mettre aux vidanges, parce qu’il me rattache à toi. Et parce qu’il mérite que je lui fasse une place en quelque part dans ma garde-robe, en mémoire de ce regard que je t’ai déjà porté.
C’est précieux.
On forme à présent un tout en deux parties. Qui ne se recollera jamais plus.
Mais qui va pour toujours se compléter.
Un mini humain pour cimenter nos vies en parallèle.
Regarder grandir le beau, en dehors de nous, maintenant.